Religions et spiritualités néo-païennes : tous pareils ?

Lassée des discours « salade composée », je me décide à rédiger cet article pour faire la part des choses entre les cultes établis, ou communément appelés religions monothéistes et les spiritualités néo-païennes, très largement a-dogmes et ultra tolérantes.

Mais tout d’abord, quelques définitions pour poser les bases de la compréhension.

Ce que j’appelle le discours « salade composée », c’est celui qui consiste à mettre dans le même panier les individus de la terre entière et leurs croyances (ou non croyances), pensant que cette façon de faire traduit la tolérance et l’acceptation de l’autre. Que nous sommes liés, de ce fait, par un esprit général fraternel, comparable à une vinaigrette bien dosée. Les termes qui illustrent ce discours ressemblent à « on est tous pareils », « de toute façon, judaïsme, bouddhisme, etc, c’est la même chose », ou encore « il faut de tout pour faire un monde ». Oui, mais quel monde voulons-nous faire exactement?

Concernant les religions, je fais référence aux cultes établis majoritairement dans le monde, à savoir le christianisme et l’islam. Le judaïsme, au vu du nombre en déclin régulier de ses adeptes, est en passe de devenir anecdotique dans le siècle qui vient, je le laisse de côté. Les deux cultes monothéistes cités et encore majoritaires dans le monde, sont des idéologies cultuelles basées sur des écrits considérés comme saints, dans lesquelles sont retracées les histoires des personnages autour desquels se sont formés les cultes : Jésus pour le christianisme et Mohammed pour l’islam. Ces cultes, en outre, rangent les humains dans deux catégories :
– les fidèles au culte qui iront au paradis
– les vilains qui iront en enfer

Les spiritualités néo-païennes en Europe et dans les pays dits occidentaux, quant à elles, découlent de courants anciens (Égypte antique, Pays nordiques, etc) ou encore actuels (polythéismes indiens, chinois, japonais, etc). Globalement, elles sont considérées comme a-dogmes, car elles ne reposent pas sur des écrits qui régissent la vie de l’individu et de la société de la même façon que les monothéismes abrahamiques le font. Il y a une liberté de culte, de pratiques, et des courants très variés, qui ne permettent pas une emprise sur les individus à l’heure actuelle. Les notions de paradis et d’enfer n’étant pas prises en compte, la responsabilité de l’individu est totale. Les notions de karma et de réincarnation permettent en quelque sorte d’équilibrer cette liberté, car il existe ce qui est appelé « la loi du retour ». Les actes, les intentions, sont envoyés dans l’univers, qui les renvoie à l’expéditeur. De surcroît, le nombre des cheminants néo-païens reste malgré tout, confidentiel, par rapport aux autres cultes.

Les définitions posées, il apparait clair qu’entre les religions abrahamiques et les cultes néo-païens, il existe des différences fondamentales, dans le fond et sur la forme.

Tout d’abord, dans le fond, les spiritualités néo-païennes aspirent à l’harmonie de l’humain avec son environnement. Presque la quasi totalité des néo-païens vouent un culte à la Nature. La Terre est reconnue comme étant la Mère nourricière et à ce titre, il convient d’en prendre soin, comme elle prend soin de ses habitants.

Dans les monothéismes d’Abraham, la Terre, est en quelque sorte le réceptacle par défaut d’Adam et Eve, suite à leur chute du paradis. Elle est un passage obligé avant de rejoindre ce qui est considéré comme le « vrai foyer », la vie après la mort. Ce qui implique que l’humain, n’est pas issu de cette Terre, mais qu’il y a été parachuté en attendant mieux.

Le regard porté est donc différent. Le sentiment d’appartenance à la Terre est fort chez les néo-païens, et manifestement, moins ancré chez les monothéistes.

Par ailleurs, il existe un fil rouge dans les spiritualités néo-païennes, qui consiste à travailler la joie et l’harmonie dans la vie quotidienne, dans les pratiques cultuelles, et un niveau de culpabilité quasi inexistant. En effet, la liberté offerte amène à faire des choix avec discernement. Puisque rien n’est interdit, la loi du pays et la morale font office de garde-fous pour se garder des dérives (crimes et délits).

En revanche, dans les monothéismes, il y a toute une liste d’interdits, de péchés, et par voie de conséquence une grande culpabilité des adeptes qui ont souvent très peur de finir dans l’enfer éternel. Vivre sous une épée de Damoclès permanente a plus de chance de rendre l’individu fou et de l’amener à de graves dérives, que vivre dans une sécurité apportée par la liberté et la morale.

Sur la forme, les néo-païens ont des pratiques cultuelles assez libres ou librement inspirées des bribes récupérées ça et là dans des écrits retrouvés par les chercheurs et les historiens. Rater une fête n’est pas dramatique. Et il est même possible d’écrire ses propres prières.

Les monothéismes, en revanche, codifient les pratiques, avec le nombre de prières à faire ou à réciter. Certains loupés peuvent générer des dettes. Par exemple, dans l’islam, les jours non jeûnés durant le mois du ramadan, sont dus par le croyant ou la croyante, et il convient de les rattraper dans l’année.

De fait, les énergies générées par ces deux façons radicalement opposées d’envisager la vie et de l’expérimenter, sont également opposées. Et bien loin de s’attirer, le risque serait que l’énergie la plus négative (culpabilité, contrition, etc) entache l’énergie la plus positive (joie, harmonie, responsabilité individuelle).

C’est ce qui s’est passé il y a quelques siècles déjà, lorsque le christianisme, puis l’islam ont conquis les territoires. Aucun des deux cultes n’a laissé la place aux paganismes d’antan. Tout a été assimilé, fondu dans l’idéologie nouvellement dominante. Et très récemment encore, nous avons eu le triste exemple des djihadistes qui ont détruit des monuments du passé irakien antique.

Cela signifie que la co-existance spirituelle n’est pas possible entre des égrégores pétris de bienveillance et de tolérance et des égrégores nourris au rejet de la différence, à la peur et à l’exclusivité de l’adoration.

J’ai déjà entendu certains néo-païens dire que lors d’un rituel il est possible d’invoquer Jésus ou Allah. Au vu de la charge énergétique de ces égrégores, est-ce vraiment sage de le faire ?

Les néo-païens, s’ils ont raison de cultiver leur esprit d’ouverture, gagneraient à protéger leurs territoires spirituels. La résurgence des paganismes en Occident n’est possible que parce que le christianisme a été sécularisé. Cependant, il faut avoir conscience que rien n’est acquis, et que l’égrégore le plus belliqueux sera celui qui s’imposera dans les décennies à venir.

La force actuelle des cultes néo-païens réside dans la conviction de chaque personne que la destinée se construit chaque jour et qu’elle dépend de soi. Les pratiques cultuelles, comme la célébration de fêtes néo-païennes, pourraient rester « confidentielles ». Il ne s’agit pas d’être une vitrine du néo-paganisme lorsque les fêtes se tiennent dans un lieu public, comme une forêt par exemple. Le but n’est pas le recrutement d’adeptes supplémentaires. Il faut bien comprendre que la spiritualité est un chemin de vie individuel, un voyage dans les contrées sombres et lumineuses de l’être, un apprentissage. Il n’y a pas de mode d’emploi du « bien être », ni de recette toute faite pour atteindre l’illumination et se garantir la paix intérieure ou la vie éternelle après la mort. Poser un pied sur le chemin spirituel, et a fortiori néo-païen, nécessite une démarche volontaire, pas une attraction pour découvrir quelque chose d’original.

D’ailleurs la protection fait partie des bases de l’apprentissage des rituels magiques : protection de soi, de sa maison, etc. Comment se fait-il que les néo-païens acceptent l’idée qu’il faille se prémunir d’entités peu recommandables, mais n’ont pas forcément cette réflexion concernant d’autres personnes qui nourrissent des égrégores belliqueux ?

Et d’ailleurs, ce n’est pas parce que nous ne serions pas « tous pareils » que cela implique forcément de rejeter l’autre. Nos voies spirituelles nous permettent d’accepter de ne pas détenir de vérité absolue. Simplement, il nous faut poser les limites, protéger nos espaces, défendre nos valeurs, garantir nos existences dans la sérénité et la sécurité. Tels sont les défis à relever par nos cercles, nos communautés.

Il est temps d’entamer une vraie réflexion sur le sujet, au niveau individuel et collectif. Quel monde voulons-nous ? Quelles pratiques cultuelles ? Dans quels cadres ?
Autant de questions qui doivent nous amener également à nous relier de façon plus forte et à assainir nos espaces spirituels. Car même dans nos communautés, nous ne pouvons pas tout accepter.

Auteur : Solrika

Illustrations : Solrika

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