La Chaos Magick

La Chaos Magick

 

« la Chaos est un pigeon rebelle, que nul ne peut apprivoiser ! »

Ainsi chante la muse désaxée en blouson de jean, au cœur d’une Angleterre désabusée par le son de sa guitare désaccordée. Elle lui rote à sa gueule de précieuse combien son rigorisme et sa bien-pensance l’ont saoulé, puis elle s’assied sur ce même pigeon rebelle avec ses fesses adipeuses, avant même que l’idée de Chaos ai pu commencer à respirer.

En moins poétique : Le chaos dont on peut parler n’est pas le Chaos. Sachant cela, tout ce que je vais dire à son sujet est vrai, est faux, ou bien dans les deux cas, du bon gros travail de sophiste. Premier paradoxe.

Toutefois, pour mettre un peu de maturité dans cet article, on va donner quelques faits historiques : Sur fond de mouvement punk (fin des années 1970), La Chaos Magick est apparue auprès de deux occultistes anglais, à savoir Peter Caroll et Ray Sherwin. Tous deux rédigeront respectivement le « Liber Null » (Peter Caroll), ainsi que « The Book of Result » (Ray Sherwin) qui poseront les bases de ce courant naissant. Ils créeront également l’IOT, ou « les Illuminés de Thanateros », ordre dédié à la recherche et l’expérimentation magique. La démarche intéressera également des occultistes comme Osman Spare et Aleister Crowley (pour ne citer que les plus connus). Plus encore, la Chaos Magick sera enrichie par les Discordiens (vénérateur d’Éris), avec notamment les travaux de Robert Anton Wilson.

 

Retrouvailles mondaines entre deux chaotes british, à l’heure du thé.

Passé cet instant Wikipedia, la question reste entière : « La Chaos, c’est quoi ? ». On peut beaucoup dire sur ce qu’elle est autour de ce qu’elle n’est pas. Aussi, depuis ses origines, depuis le temps des premiers sigils fait-maisons jusqu’à aujourd’hui, 6 principes de la Chaos naquirent de l’esprit revêche de ceux qui… refusent les principes. Oui, c’est encore paradoxal. Non, je ne vais pas expliquer comment c’est possible. Au lieu de cela, présentons-les : 

  1. Se prévenir du Dogmatisme

Au cas où vous auriez sauté l’intro (ou sinon, pas comprise) : La Chaos est née sur la base culturelle du mouvement punk. Dans le contexte de la magie, les écoles se réfèrent à des codes, des règles, des protocoles… en bref, des lois strictes, un héritage immuable.

À cet état de fait, la Chaos propose, à l’instar de la culture « no futur », de renverser les choses. En cela, la Chaos est un système unique, contre l’idée de système, voire même parfois d’action ou de pensée systématique. Bien sûr, le rejet de l’idéologie par principe peut être, une fois encore, si poussé jusqu’au systématisme, une forme d’idéologie…

Les petits malins remarqueront que la Chaos n’est pas exempte de codes, voire de symboles qui lui sont propres… À ceux-là, nous répondrons la chose suivante : Il n’y a pas besoin d’avoir ni d’être quoi que ce soit pour se réclamer de la Chaos. Alors, mon p’tit Timothé, tu peux ranger ton t-shirt à l’effigie de l’étoile de Moorcock (ou étoile à 8 branches) : Ce n’est pas ça qui fera de toi un « vrai », t’en auras pas nécessairement besoin.

  1. Favoriser l’Expérience

En Chaos, l’apprentissage de la magie est communément admis comme une démarche, avant tout, pratique. Pour être footballer, faut jouer au foot, pour être forgeron, faut forger, etc. Difficile de prétendre à être magicien ou sorcier sans faire usage de son art, non ? Oui je viens de dire qu’il n’y a besoin de rien de particulier pour se réclamer de la Chaos et oui, c’est à nouveau paradoxal (et ce n’est pas fini…).

Qui plus est, lorsque rien n’est automatique, lorsqu’il n’y a pas de dogmes pour nous prendre par la main, pour nous expliquer comment « bien » faire les choses, alors il ne reste qu’une solution : Faire l’expérience d’abord, constater le résultat ensuite. C’est en comparant les résultats, en faisant la part des choses entre ce qui fonctionne et ce qui rate, qu’on bâtit sa pratique. Pour le coup, l’intérêt envers l’efficacité vient en conséquence direct de l’insubordination de la Chaos, car l’expérience peut être pensée comme la première des mentors.

Pour reprendre la métaphore : Il en a fallu, des pénaltys et des passes de dribbles, pour qu’un joueur prétende à jouer en ligue supérieure, aussi talentueux soit-il. Faire, et surtout refaire, est largement encouragé en Chaos, afin de mieux comprendre, mieux exécuter… En bref, s’améliorer. D’un autre côté, discourir et philosopher, ça peut être très utile, mais ce n’est pas l’essence d’un pratiquant. C’est là toute la différence entre le commentateur sportif et le joueur qui marque un but. Oh ! Et sinon je n’aime pas le foot à la base. Je me suis juste servi de cet univers pour l’exercice sémantique. Cherchez à comprendre si ça vous amuse…

  1. Tendre vers l’Excellence Technique

Aussi vrai que ce soit en faisant n’importe quoi qu’on devient n’importe qui, c’est en pratiquant n’importe comment qu’on finit n’importe où. Désolé de vous décevoir, mais la Chaos n’est pas une invitation à foutre un bordel délétère dans votre vie. Fondée par des occultistes chevronnés, rompus a l’exercice exigeant d’une magie cérémonielle complexe, et érudite par de riches traditions, on croit encore trop souvent qu’elle est pensée comme une voie de facilité : Au contraire.

Ce n’est pas pour vous refiler de la pression (santé !), mais en Chaos comme ailleurs, la magie reste la magie : Mal maîtrisée, au mieux ça ne marche pas, et au pire, ça vous atteint… Cet avertissement est d’autant plus valable qu’avec elle, il n’y a pas le garde-fou paternant d’un enseignement séculaire pour vous empêcher de sombrer. Après tout cela, peut-être allez vous vous dire : C’est bien beau de nous foutre la pétoche, mais que faire dans ce cas ? À quoi bon pratiquer si c’est aussi dangereux ? Une seule réponse : l’Excellence Technique.

Prononcer seulement les mots d’une langue que l’on ne comprend que pleinement. Inviter chez soi uniquement des choses étudiées et/ou connues. Faire des comptes rendus réguliers. Tenir et entretenir un journal. Jouer les archivistes, les historiens, les scientifiques. Écouter attentivement ceux dont c’est le métier… Ces quelques règles ne sont toutes que des exemples, et la liste est non exhaustive. Comme tout dans la Chaos, elles sont à prendre ou à laisser, et vous êtes le garant de votre discipline. Plus encore que le rejet des règles, la Chaos vous invitera à choisir celles qui n’en seront pas pour vous, ou sinon celles qui répondront à vos besoins et combleront vos failles.

 

« L’Etude est le plus sûr des placements, car la Connaissance et le Savoir sont les seules richesses qui ne se perdent pas en les donnant »

Dixit : Un intello qui s’est reconverti dans le dev’ perso, parce que son doctorat en histoire de l’art ne lui suffisait pas pour se loger à Paris…

  1. Réviser ses Conditionnements

Y aurait-il eu, par hasard, quelque chose dans ce qui a été dit précédemment qui vous dérange, vous suscite de l’inconfort ? Trouvez-vous le discours limitant, dangereux, voire malsain ? Comment définissez-vous ce qui est juste, bon, beau, harmonieux, équilibré… ? D’ailleurs, quelles sont les valeurs auxquelles vous vous identifiez ? Vous correspondent-elles vraiment ?

Ce principe est celui de l’introspection, qui n’est en rien une démarche ennemie de la Chaos. Psychologie, Psychanalyse et tout autre spécialiste de la psyché sont les bienvenus dans l’accompagnement à cette voie qui demandera de l’honnêteté envers soi, de la lucidité sur ses actes, et bien souvent, du courage face à ce que l’on se cache à nous même. Ici, il s’agit de prendre soin de soi, et pour les quelques « preux chevaliers » qui se seraient perdus par ici : Ce n’est pas avec une jambe en moins que l’on enseigne le mieux à courir. Aide-toi, le ciel t’aidera (celle-là, c’est pour taquiner les habitués des lieux, parce que je m’amuse aussi à jouer au sale mioche).

Peut-on se libérer de n’importe quel conditionnement ? Sans répondre à votre place, je dirais que non. À ce titre, le cliché du pratiquant de la Chaos qui abandonne un paradigme juste après l’avoir adopté, cette image d’Épinal est encore tenace. Or, expulser une idée juste après y avoir goûté, de façon systématique (encore le systématisme, ça revient souvent décidément…) : N’est-ce pas là une forme de réaction automatique, un mode d’autoconditionnement ? En admettant qu’on n’échappe pas aux conditionnements, la Chaos nous invite, dans la mesure du possible, à les réviser, voire même à se « déconditionner ». Vous ais-je pas déjà dis que ce n’était pas une voie de facilité ?

  1. S’ouvrir à l’Exploration

Une fois dépouillés des lois bâillonnant notre chant intérieur, des conditionnements en rupture avec la volonté, de la peur de l’erreur qui inhibe l’action, que reste-t-il ? Sans doute le meilleur, vous dira un chaote : l’esprit d’aventure, une forme de libre pensée, ainsi que la joie d’explorer.

Il peut s’agir ici de l’un des six principes le plus exaltants. Car si on s’est appliqué à « détruire » en nous les entraves, le temps de la création est peut-être venu. Dans la mention « Thanatéros », il s’agit de la contraction de deux archétypes : Celui de la destruction, et celui de la création. Rien que dans le nom de cet ordre, l’essentiel de ce cinquième point est dit.

Par ailleurs, la création se mue bien souvent en récréation. Avec l’innocence retrouvée d’un enfant qui ne demande qu’à prendre, apprendre, et comprendre, le chaote explore le monde intérieur et extérieur, en jouant avec. Autre chose que l’enfance inspire : le rapport direct à son appréciation personnelle, sans jugement de valeur. Un même petit garçon peut détester manger des épinards le midi, et aimer jouer juste après avec son petit camarade, même si tout le monde l’appelle « le différent » (mettez ce que vous voulez derrière ce mot, je m’en lave les mains). Aucune moralité sous cette petite tête et l’image qu’elle peut représenter : Seulement un sens de la connexion à la volonté.

  1. Pratiquer la Gnose

La Gnose : Sujet vaste, complexe, et difficile à résumer en trois paragraphes. Cependant, dans le cadre de la Chaos, elle peut se traduire simplement par l’accès à des états modifiés de conscience. Pour cela, les seules limites qui s’imposent seront celles que vous aurez choisies, en toute responsabilité personnelle, il va sans dire…

Pour ce faire, il y a les méthodes dites « excitatrice », ou il s’agit de se surcharger d’émotions ou de sensations. On peut y retrouver des méthodes comme l’hyperventilation, la douleur physique, ou le sexe, pour les plus spectaculaires. Pareillement, il y a les méthodes « inhibitrice » qui consistent à ralentir l’activité cérébrale jusqu’à l’essentiel. Pour cela, la méditation reste un classique, mais on y retrouve aussi des méthodes controversées comme la méthode « chimique ». Je ne vais pas vous faire un dessin, la Chaos a suffisamment mauvaise réputation à cause d’elle…

Pourquoi se rendre à des états modifiés de conscience me direz vous ? Déjà, pourquoi pas? Ensuite, à l’instar des cultes à mystères et de nombreuses écoles de magie qui ont précédés la Chaos, les états modifiés de conscience sont reconnus comme des outils incontournables d’accès à la connaissance. Ces états ont été, et restent encore considérés comme des démarches incontournables, et même basique, quant à l’application d’une pratique occulte. Pour une fois, et par rapport aux autres courants, même si le regard de la Chaos est plus « libre » sur le sujet, elle ne diffère presque pas sur cette question.

Pour résumer :

La Chaos est arrivée avec un désir de libération, dans un souffle d’autonomie, sur un chant d’émancipation de l’individu. La marque des personnes libres, autonomes et émancipées, c’est d’assumer tout leur choix, c’est-à-dire d’être prêt à en accepter toutes les conséquences. Soyez des adultes responsables.

Aussi parce qu’elle est la promesse d’un regard nouveau sur le monde, l’expression d’un désir de rénovation de la sphère poussiéreuse de l’occultisme, n’oublions pas de nous amuser avec l’insolence un tantinet agaçante, de l’enfant terrible quelle a toujours été. Soyez des enfants joueurs.

Destruction/Création, Adulte/Enfant… Les ambivalences, les dualismes sont monnaie courante avec elle. Mais que faire d’un paradoxe : faut-il l’expliquer, le résoudre, ou l’intégrer ? J’ai déjà proféré trop de leçons pour répondre à cela. Donnez la vôtre en commentaire si ça vous chante, tiens !

Qui plus est, je n’ai pas tant insisté sur eux pour rien, car la Chaos peut être comprise comme éminemment paradoxale. Littéralement, en passant par un brin d’étymologie, elle se composerait de « para » (en marge de, à côté de…) et de « doxa » qui, par exemple chez Husserl, renvoie à l’ensemble des croyances et des idées non objectives, en plus de désigner l’ensemble des opinions communes. C’est ici probablement l’une des idées les plus proches de l’initiative de la Chaos Magick : Un retour à l’essence de la magie, sans le décorum qui ne nous touche pas, sans les titres pompeusement ridicules, sans utiliser des symboles par pure convention, et enfin, sans renoncer à ce que nous sommes au plus profonds de nous même.

Pour finir cet article, j’aimerais conclure de la manière suivante : Ne croyez pas un seul foutu mot de ce que je vous ai dit !

A l’intention de ceux qui désirent en savoir plus :

https://www.kaosphorus.net/wp-content/uploads/2014/04/ChaosPretACuire.pdf

 

« Chaque homme et chaque femme est une étoile. »

Aleister Crowley

Auteur : Inocte Lucipeta

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