Passeurs d’âmes

Tout d’abord, je souhaite remercier vivement et chaleureusement ma très chère amie Solenn pour m’avoir accordé de son temps afin de parler d’un sujet, assez délicat, certes, mais qui nous concerne tou.te.s : la mort

Plus spécifiquement, nous avons discuté du « passeur d’âmes ».

Dans son histoire, la mort a frappé aux portes de Solenn lors du décès de son grand-père alors qu’elle avait 8 ans. Elle a pu aller voir son grand-père, dans la chambre où il est décédé et faire le constat, au final, d’une présence qui n’en est plus vraiment. Comme elle me l’a dit lors de la discussion, le plus difficile, c’est l’après, c’est l’absence.

Depuis cet épisode, Solenn a beaucoup approché les morts. Entre autres, celle de sa première grand-mère où il a fallu tout organiser et s’occuper du corps pour le préparer en vue des adieux de la famille. Elle avait 22 ans.

Le sentiment qui domine, lors de ces veillées mortuaires, c’est pour elle, le plein sentiment de vie. A un moment donné, l’espace et le temps sont dépassés et c’est le sentiment d’unité avec le tout qui prédomine. C’est l’impression d’être en dehors de cette réalité pour en embrasser une encore plus grande. Tout semble être sur le même plan. Cela donne un sentiment de liberté et de capacité à vivre et être vivant.

Lors des veillées funèbres qu’elle a été amenée à faire, dans son ancienne vie de chrétienne, elle ne ressentait pas de peine, mais de la paix. D’ailleurs, au décès de sa deuxième grand-mère, elle est restée sereine jusqu’au dernier souffle de celle-ci.
Et c’est cette paix qu’elle souhaitait transmettre à tous ceux et toutes celles qui restent. D’autant que la plupart du temps, les veillées se faisaient au domicile. Il était important de faire comprendre aux vivants, dans leur environnement familier, que tout va bien, que la personne qui part est heureuse. En effet, on sent quelque chose du défunt dans la mesure où lors de la guidance, le passeur d’âmes se trouve si proche, tant en intimité avec la personne décédée , qu’il peut l’entendre dire « merci ».
De la même façon, lors de l’éloge funèbre, il se dégage une sacrée force, une énergie qui se répand. Les paroles et le ton employé, semblables aux ondes, traversent les cœurs et les têtes des présents pour leur insuffler cette force et leur faire comprendre la beauté de la vie matérielle.

Bien sûr, tout ceci n’enlève pas sa propre peur de la mort, certes, mais ça familiarise en quelque sorte. Il ne faut pas oublier que face à la mort, on est toujours seul.e, comme lors d’un accouchement. Entouré.e.s mais seul.e.s ! La mort est le miroir de la vie. Les 2 portes que nous traversons, à savoir, la naissance qui nous permet d’expérimenter la vie terrestre et la mort qui nous emmène dans un ailleurs a priori inconnu. Et face à ces 2 traversées, nous sommes éternellement seul.e.s.

Si dans les premiers temps, Solenn faisait face au défunt en se positionnant à ses pieds, avec le temps, elle a pris l’habitude de se placer derrière la tête de celui-ci. Ce qui amène à parler de l’équivalent littoral de l’Ankou : le Bag Noz, moins connu. L’Ankou lui, est une entité des terres bretonnes, il se présente aux personnes qu’il va bientôt venir chercher. Alors que le Bag Noz, lui, reçoit le défunt dans une barque et se positionne derrière la tête, puis souffle sur les voiles pour embarquer vers « l’autre monde », le Baradoz. Et en prenant place derrière la tête du défunt, elle devient Bag Noz, souffle sur les voiles de sa barque pour le voyage à venir, aller vers l’Ouest, rejoindre le Baradoz.

Alors, c’est quoi au final, être « passeur d’âmes » ? C’est sûrement d’être en capacité d’accompagner, autant le défunt que ses proches. C’est être en empathie et faire preuve de bienveillance. Savoir accueillir le chagrin et le transformer en paix pour le rendre aux vivants. Car c’est la seule façon d’aider à porter le fardeau de la perte d’un être cher.

Et en ces temps de désespoir et de mort, nous avons plus que besoin de tout cet amour et de toute chaleur humaine.

Prenez soin de vous et soyez béni.e.s dans vos foyers et dans vos cœurs.

Auteur : Solrika

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