Le masculin sacré III – La dignité de l’homme

« Un garçon, ça ne pleure pas ». Combien, de fois messieurs, avez-vous entendu cette injonction ? Les larmes, les émotions, c’est bien connu, c’est seulement pour les filles. Parce qu’elles sont faibles. Elles ne peuvent pas se battre, donc elles pleurent. Facile…

Et dans la quasi totalité des cultures sur cette belle Terre, la dignité de l’homme se confond avec sa capacité à être un mur froid et non émotionnel, qu’on appelle « virilité ». Car la première caractéristique d’un homme, tel qu’il est représenté, c’est sa force. Force physique, mais également force mentale. Un dur, un entier, un être prêt à affronter toutes les épreuves.

En fait, si l’on regroupe tous ces termes : dignité, virilité, force, endurance, dureté… Qu’obtient-on ? Les qualités d’un guerrier qui est prêt à tuer et à mourir au combat.

Car, il s’agit bien de cela : les sociétés héritées dans lesquelles nous vivons, sont des sociétés guerrières.

D’ailleurs, en conversant avec des hommes et des femmes sur leur représentation du masculin, ces qualités viennent en premier dans la définition du pôle masculin, ou de la masculinité en elle-même.

En conséquence, un homme honorable et digne est un guerrier. Et de surcroît, c’est celui qui a le plus de chances d’obtenir les faveurs des femmes pour pouvoir s’accoupler. Toute autre façon d’être s’assimile à d’autres profils, mais pas à celui de l’homme digne. Par exemple, un homme qui montre son émotion à toutes les occasions est souvent perçu comme faible ou trop féminin, donc faible… Ou alors, l’homme très intelligent comprend qu’il peut manipuler son monde pour obtenir ce qu’il désire (des amantes, de l’argent, se soustraire à la guerre, avoir les faveurs du chef de clan, etc). A force de ne se concentrer que sur ses objectifs egocentrés, l’homme perd en quelque sorte contact avec ses émotions, son empathie, et use de pas mal de manipulation et de stratégie, il se place dans un positionnement narcissique et très souvent toxique.

Mais, si on revient à notre guerrier, lui, en revanche, peut user de stratégie, car un guerrier qui ruse est censé le faire pour « le bien commun » et contre « l’ennemi dangereux ».
Et ces attitudes prennent racine dès le plus jeune âge. Si je me réfère à Ludovic, et Yann, ils ont tous les 2 été confrontés à cette obligation de paraitre forts devant les autres et à prouver leurs qualités masculines, notamment au travers de leur sexe, que ce soit l’organe ou que ce soit le genre.

D’après leurs dires, les vestiaires scolaires sont les lieux où les garçons se jaugent, se défient… Qui a le plus bel organe ? Qui est le plus musclé ? Malheur à celui qui est trop maigre ou trop timide. Et si le garçon ne se retrouve pas dans ces jeux adolescents (penchants sexuels différents, valeurs morales différentes,…), il risque également d’être mis de côté et rabaissé… Mais ne serait-ce pas également le manque de confiance en soi qui amène à ces comportements ? Pourquoi aurait-on besoin de se comparer quand on se sent bien dans sa peau ? Mais, chez les filles, c’est la même chanson. A la différence que les filles assument leur manque de confiance en elle, voire le clament sur tous les toits « oh la la ! chuis trop moche ! » et de se faire rassurer par toute la bande de copines, toutes pleines de compassion « mais non, t’es trop mignonne ! »

En revanche, ces hommes, avec lesquels j’ai discuté, refusent d’être assimilés à la doxa ambiante du « mec dominant », car ils estiment, et à juste titre qu’ils n’ont pas à payer pour tous les « cons » qui ternissent l’image du masculin. Mais, comme l’a justement dit Arnaud, dans une conversation que nous avons eu récemment, il ne s’agit pas de stigmatiser des individus mais il s’agit de comprendre qu’on parle d’un groupe social « à l’origine de la grande majorité des méfaits sur cette planète » (je le cite texto, parce que c’est très justement exprimé).

Par ailleurs, il y a la grande question de la « performance » masculine au lit. Et encore une fois, des témoignages recueillis, le garçon ou le jeune homme, reste quand même très seul face à ses peurs et ses interrogations. Il n’a d’autre choix que de se renfermer ou de s’abstenir éventuellement.

Alors qu’est ce qui cloche? Eh bien, il s’avère souvent que les pères avaient du mal à communiquer avec leurs garçons, notamment sur les sujets délicats… Un des hommes avec lesquels je me suis entretenue raconte qu’il a entre autres « appris » en découvrant certaines revues que cachait son père. Mais c’est sa mère qui lui a expliqué « les choses de la vie ».

Aujourd’hui, il me semble que tout cela évolue et ces hommes justement ne veulent pas reproduire ces comportements paternels. De ce que j’entends dans mon entourage plus ou moins proche, il y a quand même un investissement paternel dans l’éducation et l’accompagnement des enfants, plus important que dans la génération de nos pères. Et je crois même constater que les pères actuels sont bien plus à l’aise dans la démonstration affective que leurs pères. L’espoir d’une génération masculine plus connectée avec ses émotions et plus à l’écoute entre eux, comme avec les femmes, semble poindre enfin !

Mais cela ne signifie pas qu’il faille « effacer » ce qui fait aussi le caractère masculin, à savoir une certaine agressivité, comme je l’ai déjà évoqué dans un précédent article sur le masculin sacré. Eh bien, aussi étonnant que cela puisse paraître, une des manières d’évacuer cette agressivité, se trouve dans les rencontres sportives. Karine, qui est une femme affirmée, et qui a fréquenté quelques fois les stades de foot, m’a permis d’avoir un angle de vue différent sur ces hommes pour lesquels j’avais des considérations peu élogieuses il faut bien le reconnaître. En fait, ce n’est pas tant le fait de voir des gars courir derrière un ballon qui les fait tripper… Ce sont tous les enjeux liés à l’espace masculin : le défi, la stratégie, la force de frappe, la victoire… Une guerre sur un terrain mais qui ne fait pas de morts… normalement en tout cas. Canaliser cette énergie, cette rage, lui permettre de s’exprimer, lui donner quand même le droit d’exister, tout en l’accompagnant, par des valeurs, et c’est ce qui est déjà fait. Le code de conduite des sportifs. Savoir perdre, savoir gagner, avoir du discernement. Sur le terrain, on est face à quelqu’un dont on va expérimenter la force et qui va permettre le dépassement de soi.

Pour terminer cet article, et surtout pour donner une image de la dignité que les hommes de façon générale gagneraient à développer, je pense à ces hommes qui restent debout face à leurs alter egos violents et meurtriers, que ce soit Charb, Arnaud Beltrame, ou Gandhi. Chacun à leur façon montrent la voie et incarnent les plus belles valeurs qu’un homme puisse porter.

Auteur : Solrika

Illustrations : Solrika

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