Spiritualités et territoires III – L’animiste d’Auvergne

Pour ce troisième volet, nous serons en Auvergne en compagnie de Quentin Berton, païen au sens presque premier du terme.

Solrika : Bonjour Quentin, peux-tu te présenter s’il te plait ?

Quentin Berton : Je m’appelle Quentin Berton, je travaille pour gagner ma vie dans la restauration des monuments historiques. Je suis membre fondateur du cercle Desmarchelier «cercle païen d’Auvergne».
Passionné d’ésotérisme, d’occultisme, de magie, de sorcellerie, d’alchimie… depuis l’âge de 8 ans. Je suis tombé dans la marmite quand j’étais petit sous l’influence de mon père, Hugues Berton, auteur du livre « sorcellerie en Auvergne », objet de sorcellerie, médecine et sorcellerie en milieu rural et l’ouvrage « Les enfants de Salomon » (Christelle Imbert et Hugues Berton)…
De baptême orthodoxe, j’ai étudié la magie la sorcellerie quelques temps en Éthiopie, principalement dans des monastères, où j’ai eu le plaisir de goûter à quelques-unes de leurs décoctions principalement à base de Datura. J’aime beaucoup voyager à l’étranger et voir ce qui se passe ailleurs, car je pense que ça aide à avoir l’esprit ouvert. J’ai été initié dans un cercle païen à 17 ans, puis je suis rentré a 21 ans en franc-maçonnerie au Grand Prieuré des Gaules (GPDG). Le 21 décembre 2012, j’ai été initié pour mener des rituels païens « maître des cérémonies». Sur le retour, j’ai fais un petit détour par Chartres pour y voir le labyrinthe et en fin de journée en rentrant en Auvergne j’ai fais un monstrueux excès de vitesse, ce qui a entraîné une suspension de permis. Le temps libre que cet événement m’a permis d’acquérir a fait que je me suis mis à réunir autant mon savoir que mes pratiques dans un seul ouvrage, que je considère être mon grimoire. En 2013, je me consacre à remonter un cercle païen après la dissolution de mon ancien cercle. En 2016, je rentre dans une clairière druidique. En 2017, après être devenu maître maçon, j’ai décidé de démissionner et de me consacrer entièrement au paganisme et à la sorcellerie ainsi qu’aux mystères de la nature. En 2019, j’ai mis en place un groupe Facebook qui s’appelle « Transmettre ou disparaître » afin de partager quelques pages de mon grimoire et aussi pour que les autres puissent partager leurs connaissances dans le domaine de la sorcellerie principalement. En 2020, au premier confinement, j’en ai profité pour mettre en place plusieurs groupes de discussions régionales sur Messenger afin de faciliter la rencontre des païens de chaque région.

S : Merci pour cette présentation très riche ! Pourquoi en es tu arrivé à choisir le paganisme, plutôt que le christianisme orthodoxe ou la franc-maçonnerie ?

QB : Il faut bien comprendre que le christianisme m’a été imposé comme tout enfant qu’on a baptisé. Et puis comme un enfant qui veut suivre la voie que ses parents ont initié, je suis allé jusqu’à devenir sous-diacre orthodoxe. Cette voie m’a amené à faire de la théologie. J’ai pris conscience à quel point le monothéisme a pu être à contre-sens, destructeur, bourré d’ego, recherchant le pouvoir et l’argent. Tous ces massacres, tous ces mensonges… Je ne pouvais pas aller dans une spiritualité qui a un passé aussi lourd (il n’y a qu’à regarder à quel prix s’élève la pauvreté dans le monde et combien est estimée la richesse du Vatican pour comprendre que, quand un prêtre, lors d’un mariage dit « prions pour ceux qui sont dans le besoin », il est déjà bien à côté de la plaque). Sans parler du fait que, pour moi, c’est contre nature de faire vœu d’abstinence. Ça mène à la dérive horrible sur des jeunes enfants… et j’en passe et j’en passe.
Ensuite pour la franc-maçonnerie… Je tiens à dire qu’elle m’a beaucoup appris, qu’elle m’a permis de travailler sur moi-même, comme les principes originels de la franc-maçonnerie le permettent. Par exemple, en franc-maçonnerie, en tant qu’apprenti, tu restes assis, tu écoutes et tu n’as pas le droit à la parole. Le nombre de fois où j’aurais voulu sortir de mon siège et dire  » il dit de la merde ». Mais cette démarche m’a permis d’être moins colérique, plus réfléchi et ça, tout mon entourage a pu le voir. Mais il est arrivé un moment où j’ai fait le tour de la question car je suis un passionné d’ésotérisme et de symbolisme. J’ai compris que la franc-maçonnerie avait ses limites malgré les grades interminables.
Je garde le paganisme car je pense que ce qu’il y a de plus sacré et qui représente bien les divinités, c’est la nature. On est mille fois mieux dans une forêt que dans un temple. Mais aussi car la structure dans laquelle je suis me permet de faire évoluer la force de ma volonté.

S : La structure dans laquelle tu vis ? Tu veux bien en parler ?

QB : Précise un peu plus ta question ?

S : Qu’est que tu entends par « la structure dans laquelle je vis? »

QB : La structure dans laquelle je suis

S : C’est une communauté ?

QB : Oui c’est un petit cercle de personnes

S : D’accord. Il me semble que tu fais un retour aux origines dans ta façon de vivre et tes pratiques spirituelles c’est bien ça ? Autosuffisance, chasse, célébrations, etc…

QB : Oui

S : Mais ce retour aux origines, se base sur le principe, de garder, de préserver, d’étudier, de restaurer les connaissances des anciens. Justement, comment vis tu tout ça au quotidien ?

QB : Comme je le dis, j’étudie, je préserve, j’ai une vie qui ne me permet pas de pouvoir me mettre en autosuffisance mais par contre je cherche à avoir une bibliothèque constituée de connaissances qui me permettraient de l’être à n’importe quel moment (en cas de problème sociétal, économique ou naturel)

S : Si je comprends bien, quand tu parles de paganisme et de déités, tu es plus proche d’une vision animiste que protocolaire et polythéiste ?

QB : Je pratique un paganisme centré sur soi-même. Le paganisme centré sur soi-même ne signifie pas tourner autour de soi et de son ego. Cela signifie que je trouve le divin en moi-même, que ma pratique religieuse a pour objectif de me rendre plus fort, plus sage, plus compatissant et plus magique. Ce sont les dogmes de la sorcellerie traditionnelle, (tout est dans votre tête… Mais vous n’imaginez pas à quel point elle est grande). C’est ce qu’on appelle dans le cercle la force de la volonté.

S : C’est intéressant en effet. Tu es ta propre origine et ta propre fin. Mais tu t’ancres dans ton environnement. Ce qui évite à l’ego de prendre une place surdimensionnée.

QB : Grosso modo oui, mais il ne faut pas se leurrer, on est des Occidentaux et on est nés sur le bon continent, donc mon origine commence avec des facilité. Mais je tiens à dire qu’il ne sert à rien de se plaindre, de trouver des boucs émissaires. La plupart du temps on est maître de notre propre vie (donc tout arrive à point à qui sait se sortir les doigts du cul)

S : Selon certains courants, notre être « supérieur » parcours les vies au travers de différentes incarnations. Ce qui signifie aussi qu’on traîne potentiellement un karma d’une vie à l’autre. Dans ce cas, est ce que « se sortir les doigts du cul » paraît réalisable ou suffisant?

QB : Je ne suis pas sûr qu’il y ait des vies antérieures et encore moins un karma. Je vois que des personnes qui font du mal s’en sortent très bien et des personnes qui font du bien s’en sortent très mal. Donc pour moi le karma n’existe pas. Après, pour les vies antérieures, une expérience psychédélique m’a légèrement remis en question la vision que je pouvais en avoir auparavant.. J’aime parfois m’auto-convaincre que certains signes font que c’est une évidence, que ça doit se passer comme-ci ou comme-ça. Mes erreurs me permettent de grandir et d’évoluer, donc non je n’aimerais jamais retourner en arrière. Mais quoi qu’il en soit, ta vie, tu la tiens dans tes mains, des fils de riches qui ont toujours tout, peuvent être malheureux et dilapider la fortune de leurs parents. Et des personnes qui n’ont jamais rien eu dans la vie, se contenteront de rien pour être heureux et peuvent faire fortune car ils ne savent que bosser pour s’en sortir.

S : D’accord. Effectivement, ça permet de s’occuper de sa vie actuelle et de rester ancré, peu importe le potentiel passé et le probable futur.

QB : Tu peux me rappeler pourquoi tu fais cette interview ?

S : Le but c’est de comprendre comment et éventuellement pourquoi des gens vivent leur spiritualité. C’est de montrer toute la diversité des pratiques, des versions, et les richesses qu’on trouve dans ce monde païen qu’on dit libre et adogme.

QB : Oui, et c’est ce que j’aime beaucoup dans le paganisme c’est que beaucoup de personnes qui ont une vision différente son libre d’expression

S : Oui, je suis d’accord. Je pense que tu as bien exposé ta façon d’envisager le paganisme. Je te remercie pour le temps que tu as consacré à me répondre.

Cette interview est tellement riche que je ne suis pas sûre que ce format soit vraiment adapté. Il faudrait littéralement écrire un livre sur Quentin et ses pratiques, et encore je ne suis pas sûre qu’on réussisse à vraiment saisir toute cette profondeur ! En tout cas, tout ce qui a pu émerger de cet échange, comme, du reste, toutes les interviews que j’ai eu la chance de mener avec les différents interlocuteurs, est un trésor en soi. Alors merci pour ce partage !

Propos recueillis par : Solrika

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