La reprise chrétienne des fêtes païennes, première partie

Les différentes fêtes chrétiennes sont aujourd’hui couramment intégrées à notre calendrier civil, que ce soit sous la forme de jours fériés, ou bien de célébrations devenues familiales et faisant désormais intégralement partie de notre culture commune.

On remarque qui plus est que même chez les chrétiens, la signification de ces fêtes s’est souvent perdue, et à plus forte raison leur origine païenne quasi-systématique.

En effet, on le sait peu, mais le christianisme et le paganisme sont certainement les deux religions entre lesquelles la frontière est la plus mince et la plus floue, le premier étant venu absorber et se greffer sur le second, en intégrant la grande majorité de ses fêtes, ses traditions, ses symboles et ses rites.

Cet article a donc pour vocation d’effectuer un tour d’horizon des différentes fêtes païennes et chrétiennes, et de faire un peu de lumière sur les différentes reprises des symboles païens par le christianisme.

Ce travail n’a évidemment aucune ambition d’exhaustivité, ce serait au mieux long, fastidieux et difficilement lisible, au pire impossible. Il conviendra donc de considérer les lignes qui suivent comme une ébauche, un travail préliminaire ne demandant qu’à être poursuivi et approfondi par ceux que cela intéresserait véritablement, et comme une première source d’information ou d’éclaircissements pour les autres.

Cela étant, même sans volonté d’exhaustivité, je ne pouvais décemment condenser cette étude préalable en un seul article. Ainsi, je propose ici une entrée en matière se concentrant sur trois sabbats païens dont la reprise chrétienne est assez évidente, tandis que la suite de ce travail se poursuit dans un deuxième article.

Samhain (31 Octobre)

J’entame délibérément cette comparaison des fêtes païennes et chrétiennes par le sabbat de Samhain, dans la mesure où il s’agit là de l’une des fêtes que le christianisme a absorbé de la manière la plus flagrante, puisque la signification et les symboliques sont restées les mêmes, jusqu’à la date qui n’est décalée que de 24 heures.

En effet, il n’est pas difficile de se rendre compte que la Toussaint, fêtée le lendemain, est bien plus qu’un pendant chrétien de Samhain, la première venant se greffer, quasiment au jour près sur la seconde, et en en conservant l’ensemble du sens.

Ainsi, le sabbat de Samhain revêt plusieurs fonctions qui se recoupent entre elles et rejoignent également fortement la fête de la Toussaint : très globalement, il s’agit d’une fête plutôt paisible (contrairement à ce que l’on pourrait imaginer si l’on pense à Halloween), symbolisant le repos de la nature, le moment où celle-ci s’éteint provisoirement pour renaître quelques mois plus tard. De ce fait, Samhain représente le moment où la frontière entre le monde des vivants et le monde des morts est la plus ténue, la plus mince, et s’avère du même coup particulièrement propice au souvenir, à la communion voire à la communication avec les défunts. On donne généralement la date du 31 octobre, mais Samhain est parfois fêté le 1er novembre, et plus fréquemment lors de la nuit entre les deux dates.

La fête de la Toussaint, dont la date que nous connaissons aujourd’hui a été fixée assez tardivement par l’Église, représente la célébration de tous les saints (d’où son nom). Elle a lieu le 1er novembre, et précède de 24 heures la fête chrétienne des morts, célébrée elle le 2 novembre.

C’est cette dernière, instaurée au XIè siècle, dont le pendant avec Samhain est sans équivoque dans la mesure où elle reprend la thématique de la célébration des morts et du recueillement, quasiment le même jour qui plus est.

Cependant, je parle généralement, et volontairement, de la Toussaint comme étant associée à Samhain, puisque dans la mesure où le 1er novembre est férié dans notre pays, l’usage veut à présent que l’on fête les morts le jour de la Toussaint, beaucoup de chrétiens oubliant même parfois que les deux fêtes (Toussaint et fête des morts) sont en réalité dissociées.

Yule (21-22 Décembre)

La fête de Yule, probablement l’un des sabbats les plus importants avec Samhain et Beltane, est aussi l’une dont la reprise chrétienne est la plus visible d’une part, mais également la plus reconnue, dans la mesure où la correspondance entre Yule et Noël est aujourd’hui largement admise, et souvent connue y compris par les gens qui ne sont pas nécessairement versés dans le paganisme et n’en connaissent pas les autres fêtes.

Yule correspond avant tout au solstice d’hiver, et pour cette raison, la date précise change quelque peu chaque année (les solstices n’ayant jamais lieu précisément au même moment). Généralement, on fêtera donc Yule entre le 21 et le 22 décembre, mais on admet fréquemment comme fixe la date du 21 pour plus de commodité, cette date étant en effet celle retenue par le calendrier pour le passage en hiver.

Traditionnellement, cette fête est plutôt ambivalente : on y célèbre d’une part la nuit la plus longue de l’année, et une saison peu propice à la vie, mais Yule est également l’occasion de se réjouir de l’allongement des journées qui se profile, et ainsi de la naissance d’un soleil et d’une lumière nouvelle pour les mois à venir.

Ce sabbat est donc placé sous la thématique de la naissance (ou de la renaissance), du soleil comme nous l’avons vu, mais également plus tard de plusieurs divinités païennes auxquelles l’on a attribué l’arrivée au monde durant cette période (Dionysos entre autre).

Il n’est donc pas du tout étonnant de voir cette fête, absorbée par le christianisme et simplement décalée de quelques jours, célébrer aujourd’hui la naissance du Christ. D’après certaines sources (Pline, Histoire Naturelle, XVIII), il est possible que le décalage en question soit dû au calendrier julien. En effet, Jules César aurait placé le solstice d’hiver le 25 décembre lorsqu’il a introduit son calendrier en 46 avant J.C, et la date aurait tout simplement été conservée par la tradition chrétienne, le même phénomène s’observant pour Litha (voir plus loin).

En outre, la quasi-totalité des symboles usités de nos jours à Noël, par les chrétiens comme par les athées ou les agnostiques, sont des symboles profondément païens associés à Yule. Le sapin de Noël par exemple, tire probablement son origine de l’utilisation païenne de l’arbre (en cette saison du conifère) comme symbole de vie et de renouveau, ce qui coïncide avec la thématique du sabbat évoquée plus haut. La bûche de Noël prend également racine dans un tradition païenne voulant que l’on brûle une épaisse bûche de chêne dans l’âtre au moment de Yule, tradition elle-même dérivée des brasiers d’origine. Les décorations du sapin, ainsi que le gui, remontent également à des rituels païens correspondant à la période de Yule.

Litha (20-22 Juin)

Litha fait elle-aussi partie des autres sabbats dont l’absorption par la chrétienté est la plus ostentatoire. Cette fête est en effet célébrée aujourd’hui par les chrétiens, à plus ou moins trois jours d’écart, selon les mêmes rites et avec la même symbolique qu’au sein de la tradition païenne.

J’ai donné comme date les 20,21 et 22 juin exactement pour les mêmes raisons que Yule. Litha correspondant au solstice d’été, sa date précise varie légèrement selon les années, mais elle a lieu le plus souvent le 21 juin.

Traditionnellement chez les païens, et en tant que fête du solstice d’été, Litha incarne la journée la plus longue de l’année, la période où les puissances de la nature, ainsi que le soleil, sont à leur apogée, et elle symbolise par là même le feu, la force, la vie, la santé, la vigueur de la jeunesse et la fertilité. Elle représente également, de par sa dimension solaire prononcée, l’une des fêtes majeures des cultes voués à l’astre en question.

Depuis, les chrétiens ont repris l’ensemble de ces symboliques et, ne pouvant effacer la tradition très ancrée des fêtes de Litha, ont été contraint de l’adapter en la déplaçant au 24 juin, et en lui attribuant le nom de fête de Jean le Baptiste, ou plus couramment fête de la Saint-Jean. Cependant, et tout comme pour Yule, le décalage conservé par la chrétienté pour fêter la Saint-Jean serait dû lui aussi au calendrier julien, qui donnait la date du 24 pour le solstice d’été.

Cela étant, peu de choses ont évoluées, et les rites et symboles mentionnés plus haut ont été presque intégralement conservés après la christianisation de cette fête, l’exemple le plus évocateur étant celui des grands feux de la Saint-Jean, héritage direct des brasiers allumés par les païens à l’occasion de cette fête.

Enfin en France, et dans les villages notamment, la Saint-Jean était communément associée à la jeunesse, aux jeunes hommes et aux jeunes femmes, donnant l’occasion de pratiquer des rites de passage. On retrouve bien là les thématiques de force, de vie, de vigueur, de santé et même de fertilité évoqués plus haut.

Pour terminer, et à suivre…

Nous voici donc au terme de ce premier article qui, comme je l’annonçais en préambule, n’a l’ambition que d’une ébauche, et d’une source d’éclaircissements et qui même en tant que tel n’est pas complet.

La suite de ce travail est donc disponible dans un second article, au sein duquel j’aborde notamment d’autres sabbats, mais aussi des fêtes et des célébrations païennes plus mineures, toujours en corrélation avec leur reprise chrétienne.

Je tiens pour finir à préciser qu’il ne s’agit pas ici de « dénoncer » quoi que ce soit, et certainement pas de théoriser une instrumentalisation du paganisme par le christianisme, mais simplement de rappeler l’héritage qui est le nôtre, y compris en ce qui concerne notre calendrier civil.

Enfin, même sans porter de jugement de valeur, on ne peut pas ne pas souligner que la construction des dogmes chrétiens, qui s’est effectuée lentement et très péniblement sur plusieurs siècles, est teintée de volontés et de nécessités politiques (comme pour beaucoup de religion), ce qui explique en partie la nécessité d’absorber des traditions populaires ancrées depuis des siècles dans les mœurs de la population, plutôt que de tenter de les éradiquer purement et simplement.

C’est probablement parce que le christianisme a su si parfaitement se fondre dans le paganisme qu’il a pu devenir la religion majeure que l’on connaît aujourd’hui.

Auteur : Shaël

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