Spiritualités et territoires IV – Païen musicien de Touraine

Dans la continuité de la découverte des pratiques païennes, le voyage nous fait remonter de l’Auvergne de Quentin à la Touraine d’Alcofrybas Beltaine. Païen, musicien, passionné d’Histoire et passionnant à écouter !

Solrika : Alcofrybas Beltaine, bonjour ! Peux-tu te présenter s’il te plaît ?

Alcofrybas Beltaine : 30 ans, tourangeau d’adoption, musicien (organiste). Actuellement en thèse et prof à la fac. Je suis venu au paganisme après une grave maladie. Je me suis en partie appuyé sur l’héritage familial du côté breton maternel. J’ai d’abord été sur le net (forum Alliance Magique, Ligue Wiccane Éclectique), puis « en vrai » dans deux groupes successifs que j’ai quitté. Le premier groupe qu’on pouvait qualifier de « religion » assez libre en Touraine et l’autre groupe qui était reconstructionniste. Je suis actuellement solitaire, je base ma pratique sur la wicca et les religions européennes-méditerranéennes. Je suis aussi passionné de divination.

S : Peux-tu parler de ton héritage maternel ?

AB : En fait, par le passé, j’ai développé un cancer qui s’est généralisé. J’ai eu une prise de conscience suite à cette maladie. Je me suis rendu compte que ce n’est pas, comme on nous l’a appris, un dieu unique qui régit le monde. J’ai cherché à replonger dans les racines du côté de ma mère, comme je l’ai dit dans ma présentation. Elle a des origines bretonnes, et dans l’ascendance familiale, il y avait des sorcières et des femmes qui pratiquaient la divination, entre autres choses.

S : Et comment as-tu réalisé ton cheminement païen ?

AB : Au départ de mon cheminement païen, je me suis inscrit sur le forum ésotérique Alliance Magique. Entre temps, je suis arrivé à Tours et j’ai arrêté mon activité d’organiste pour deux raisons. Tout d’abord, je le faisais bénévolement et ça me prenait pas mal de temps et puis l’autre raison était que je me sentais en inadéquation entre mon cheminement païen et le fait de jouer dans des églises.
Et puis, j’ai croisé le chemin d’un groupe païen à Tours (il y a 6 ou 7 ans de cela), que j’ai quitté il y a environ 3 ans pour, notamment, des divergences d’opinions. Mais j’en retiens tout de même beaucoup de bons souvenirs. J’ai beaucoup aimé les rituels de groupes et toutes les amitiés créées entre les membres. Et puis, j’ai fini par ne plus me sentir en phase avec l’esprit du groupe, je l’ai donc quitté. J’ai tout de même gardé de bons contacts avec d’anciens membres.
J’ai, par la suite, intégré une association cultuelle, Pharia, qui est un groupe reconstructionniste égyptien et gréco-romain. C’est-à-dire qu’ils sont dans une démarche de reproduire le plus fidèlement possible les rites et croyances anciennes. J’ai participé au pèlerinage de Dumias, qui était organisé chaque année par le groupe. Mais, là également, je me suis retrouvé confronté aux mêmes problématiques qu’avec le groupe tourangeau, à savoir, des débats sans fin. Se posaient également des questions d’ordre éthique sur les pratiques anciennes comme les sacrifices des animaux qui, évidemment, n’étaient pas pratiqués par l’association.

S : Tu peux en dire plus sur ce pèlerinage ?

AB : Il est organisé par Pharia et se déroule au Puy de Dôme. Ce pèlerinage est dédié à Mercure Dumias. En fait, on faisait un parcours rythmé par plusieurs petits rites sur le chemin qui mène au mont en question. J’ai beaucoup apprécié l’esprit de ce pèlerinage, mais je me suis également posé la question de la pertinence d’une telle démarche, car il ne me paraissait plus trop pertinent de vouloir « refaire comme avant ». Ce n’étaient ni la même époque, ni les mêmes mœurs…

S : Tu veux dire que le reconstructionnisme n’est pas pertinent dans le contexte actuel.

AB : Oui, je trouve ça illusoire, car beaucoup de choses nous échappent malgré tout. Je pense qu’il faut garder ces références passées comme une source d’inspiration, mais on ne peut pas refaire comme avant, car comme je l’ai dit, ça implique des questions d’ordre éthique comme le sacrifice des animaux et la place réservée aux femmes par les anciens de ces cultes. Par ailleurs, les rituels en grec et en latin, avec les codes vestimentaires liés, les gestes, etc, tout me rappelait aussi ce qui se fait déjà dans l’église catholique. J’ai trouvé au final que ça manquait de relation directe avec les divinités.

S : Où en es-tu à ce jour ?

AB : La pandémie et le confinement m’ont permis de me recentrer sur moi-même et de savoir ce que je veux vraiment. Donc, depuis 3 ans, j’ai un autel chez moi, je l’ai monté sur un meuble qui m’a été donné par les membres de l’ancien groupe tourangeau. Il vient d’Allemagne de l’Est et j’y pratique mes rituels personnels.

S : Tu t’es façonné ta spiritualité en somme…

AB : Oui, j’ai quand même gardé la base, les fêtes de la roue de l’année et je m’inspire aussi de ce que j’ai connu avec l’association reconstructionniste. Mais j’essaie surtout maintenant de me reconnecter aux pratiques familiales ancestrales. Ça remonte à la grand-mère de l’arrière grand-mère de ma mère (pas loin de 6 générations de femmes), un don est transmis de femme en femme. En Bretagne, à la Trinité-sur-Mer et à Pont-Aven, ma lignée féminine ancestrale pratiquait la divination, le tarot de Marseille, et cultivait un jardin potager, des plantes médicinales, et il y avait même une ferme. Elles pratiquaient la guérison à l’aide de ces plantes, en faisant des prières, et par apposition des mains.

S : C’est donc une transmission matrilinéaire

AB : Oui, jusqu’à moi, le premier garçon de la lignée à recevoir cet héritage. Je pratique le tarot de Marseille, comme elles, je lis pas mal de bouquins, notamment édités par Alliance Magique (l’ancien forum ésotérique qui est devenu maison d’édition). J’utilise aussi les pierres, les huiles essentielles, les encens du laboratoire de Cléôpatre (c’est une amie, comme moi, passionnée d’Histoire, qui fabrique des encens et des parfums d’après des recettes historiques). Je les trouve plus intéressants sur le plan énergétique lorsque je les utilise dans les rituels.

S : Qu’est-ce qui les rend différents ?

AB : Ce sont des senteurs réalisées dans un esprit traditionnel et naturel. Le parfum est moins entêtant que d’autres encens qu’on peut qualifier d’industriels, mais leur empreinte est plus durable dans le temps.

S : Est-ce que tu es dans une pratique où tu t’adresses aux divinités ?

AB : Oui, j’ai commencé avec les divinités au sein de la Wicca, où on honore le Grand Dieu Cornu et la Grande Déesse. Au fur et à mesure du temps, j’ai affiné ma pratique et me suis intéressé à d’autres dieux. Depuis l’enfance, je me sens proche d’Isis, par exemple, la Déesse égyptienne. Elle m’apparaît en rêve et je sens qu’elle me protège. D’ailleurs, à ce propos, j’ai beaucoup développé dans mes rêves, l’approche des divinités et la réalisation de rituels.

S : Est-ce que, pour toi, les rêves sont des moyens pour accéder aux dieux et aux énergies ?

AB : De façon indirecte, oui. C’est plus de l’ordre du symbolique. J’en arrive même à faire des rêves prémonitoires. Je peux rêver d’Isis, Aphrodite, Vénus, mais moins de dieux masculins. Je garde quand même quelques dieux masculins, comme Mercure/ Mercure Trismégiste (ça m’aide bien dans le domaine universitaire). Je suis aussi spécialisé dans l’époque de la Renaissance et il y a dans les écrits de cette période beaucoup de références aux dieux anciens, mais sous une forme qui était acceptable par l’église. C’est à la Renaissance qu’on redécouvre les savoirs antiques et qu’on se rend compte que le monothéisme n’est pas la seule voie. C’est la période qui a fondé le néo-paganisme, c’est là que ça a pris vraiment racine. Des mouvements ésotériques ont vu le jour en Europe grâce à ça (Franc-maçonnerie, Druidisme, etc). C’est également à partir de ce moment-là que la science reprend de l’essor. D’ailleurs mon pseudo « Alcofrybas Beltaine » n’est pas anodin, c’est la moitié de l’anagramme de François de Rabelais et Beltaine, c’est pour mon jour de naissance, le 1er mai. Pour en revenir à François de Rabelais, il avait une bonne connaissance en ésotérisme et c’était un tourangeau, je voulais lui rendre hommage en adoptant dans mon pseudo une partie de son nom.

S : Est-ce que tu entrevoies l’évolution spirituelle vers laquelle tu tends ?

AB : Je ne sais pas non. Je ne me projette pas. Je ne veux juste plus de grands rassemblements avec beaucoup de monde, des rituels trop longs… Avec l’ancien groupe tourangeau, on avait fondé un festival à Beltaine, équivalent à celui qui se déroule en Écosse, mais, ça prend beaucoup de temps et d’énergie. Aujourd’hui, je préfère être dans une moindre exposition publique.

S : Merci pour ton temps Alcofrybas Beltaine.

AB : Merci Solrika.

Qu’il est étrange ce monde où les réseaux sociaux sont tant décriés, et à juste titre la plupart du temps. Mais qu’il est étrange de constater tous les liens que ces outils arrivent à aider à créer. Shaël, Alcofrybas Beltaine et moi-même avons traîné « nos guêtres » sur la Ligue Wiccane éclectique, forum wicca que j’ai fréquenté entre 2015 et 2017 il me semble, et c’est là que la collaboration entre Shaël et moi avait débuté. J’en profite pour leur rendre hommage et leur dire « merci ». Et merci à la vie de toutes ces rencontres et celles à venir ! Prenez soin de vous !

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