Et l’homme créa les dieux

Et l’homme créa les dieux

I/ Introduction et contexte :

Cet article abordera simultanément deux questions à la fois brûlante et se tenant au centre des préoccupations de nombreuses religions et systèmes de pensée, à savoir celle de la théogonie (l’origine des dieux) d’une part, et celle de la genèse de l’homme.

Questions à la fois brûlantes et préoccupantes pour un certain nombre de raisons : la première étant qu’il est aujourd’hui difficile pour un certain nombre de systèmes conceptuels d’envisager l’un sans l’autre, c’est-à-dire d’envisager l’origine de dieu sans envisager l’origine de l’homme et vice versa, je m’explique :

La plupart des religions, cela va de soi, n’envisagent aucunement une genèse de l’homme en faisant abstraction du divin, et donc de son origine à lui aussi. Là où la question devient intéressante, c’est que même au sein de l’athéisme, l’origine de l’homme n’est que très difficilement envisagée indépendamment du divin, ne serait-ce que par le fait qu’on les met alors en opposition. Ainsi, l’athéisme, en se basant sur une émergence de l’homme indépendante du divin, inclut obligatoirement ce dernier dans l’équation, ne serait-ce qu’en le niant en tant que source de l’existence humaine.

Quels que soient les systèmes donc, la question de l’origine de l’homme, et celle de l’origine de Dieu, demeure prépondérante, comme une réactualisation du problème de la poule et de l’œuf, où l’on est bien en peine de savoir lequel est venu en premier, et lequel à créé l’autre…

Dans ce contexte, et comme nous le verrons, on dégagera deux positions dominantes, et nous tenterons d’avancer une troisième réponse, externe à ces deux positions, mais se situant malgré tout dans l’optique d’une certaine conciliation entre ces deux rapports conflictuels.

Je tiens à préciser que les propos qui suivent sont plutôt personnels, et je ne doute pas qu’ils ne seront pas partagés par une majorité de lecteurs. Le but n’est pas là au fond, mon objectif résidant essentiellement dans le fait de proposer une alternative à un dualisme persistant, et laissant un certain nombre de gens dans une certaine aporie, qui plus est pouvant conduire à un relativisme qui me paraît à la fois stérile et écartant tout à la fois un certain nombre d’autres hypothèses, parmi lesquelles celle que je vais tenter de développer dans les lignes qui suivent.

II/ Deux positions dominantes :

Au sein de la question qui nous préoccupe donc, à savoir l’origine du ou des dieux d’une part, et celle de l’homme d’autre part, les deux étant envisagées conjointement, on peut dégager actuellement deux positions dominantes qui se font front mutuellement :

la première consiste à considérer le divin comme « LA substance », à la fois unique en tant que telle, originelle, parfaite, incréée et génitrice. En d’autre terme, cette position partagée par une majorité de religions, en particulier par les religions monothéistes, consiste à considérer le divin d’une part comme l’unique substance de l’univers, et d’autre part, à partir de là comme quelque chose d’à la fois spontané, incréée, bref à la fois sans origine et à la source de sa propre origine, mais également comme génératrice de tout le reste. Résumons et simplifions à l’extrême cette position pour plus de clarté : Dieu ou les dieux sont à la source de tout, ils n’ont jamais été créés mais on créé le monde et les hommes.

La seconde position, qui est celle qui domine largement l’athéisme, consiste à dire que l’homme est le produit d’une évolution naturelle (ce que l’on ne remettra pas en cause ici, ça n’est, au final, pas le sujet), et que pour des raisons différentes et multiples (ces théories avancent le besoin de croire en quelque chose de supérieur, de se rassurer, de se donner des béquilles, etc…), il a créé Dieu/les dieux, celui-ci ou ceux-ci se résumant alors à un pur produit de son imagination, sans existence ni vie propre, une fiction en somme, une chimère, ravalée au même rang que la licorne ou le léviathan, et ne se contentant pas de n’avoir d’existence que dans l’esprit des hommes, car ici, outre le fait que les divinités en tout genre soient un pur produit de l’imagination humaine, on ne leur confère pas même d’existence tangible.

Partant de ce constat, de ces deux positions à la fois parfaitement antagonistes et hautement inconciliables, j’émets le souhait de proposer une position médiane, une sorte d’intermédiaire faisant la jonction entre les deux, même si de fait, de par son caractère médian, cette théorie pourra être considérée comme ayant « le cul entre deux chaises », et ne prenant pas véritablement position.

Ça n’est pourtant pas le cas, la thèse que je vais développer dans la suite de cette article étant à la fois très personnelle et, j’en ai conscience, hautement subversive, elle me paraît pouvoir s’inscrire de manière tout à fait légitime comme une véritable base à un système global, et non simplement comme une tentative de réconciliation entre athées et religieux de tous bords.

III/ Une thèse intermédiaire, l’égrégore :

Ne faisons pas durer le suspens plus que de raison, et afin de parler clairement, l’idée que je soutiens ici consiste à considérer les divinités de tout bord, monothéismes et polythéismes confondus, comme des égrégores. Bon, très bien me direz-vous, mais qu’est-ce qu’un égrégore ?

Un égrégore, pour faire simple (même si cela n’a rien de compliqué en soi), est une entité, à la fois intégralement créée par l’esprit humain, et en même temps dotée d’une existence, d’une vie et d’un pouvoir d’action propre une fois sa création effective. On citera pour exemple les élémentaux notamment, et un certain nombre d’entités similaires dont on admet qu’elles ont été créées par l’esprit humain mais, qu’une fois cela fait, elles ont acquis une forme de vie propre, et l’autonomie qui va avec.

Voyez-vous où je veux en venir à présent ?

Ce que je soutiens ici donc, c’est que les deux positions majeures décrites précédemment ne s’opposent finalement pas tant que cela dans la mesure où, pour moi en tout cas, elles ont toutes les deux partiellement raison.

En effet, le fait de considérer les divinités de tous bords comme des égrégores, c’est-à-dire comme des entités à la fois créées par l’esprit humain, mais en même temps autonomes et douées de puissance à partir de là permet d’affirmer d’une part que l’homme a bel et bien créé les dieux, mais d’autre part que Dieu, ou les dieux, existent aussi bel et bien, et ont même une forme d’existence propre, s’accompagnant d’une autonomie certaine.

En effet, la force et l’autonomie d’un égrégore est traditionnellement proportionnelle à la puissance de l’esprit qui l’a créé. Donc si l’ont admet que les dieux sont des égrégores, on admet du même coup que ce sont là les égrégores les plus puissants qui soient, tant le nombre d’êtres humains ayant foi dans ces entités est colossal, on à la une foule de piles spirituelles alimentant constamment ces égrégores et en faisant des entités véritablement à part, même selon cette conception.

Car généralement, un égrégore reste une entité relativement dépendante de la personne qui l’a créée, et douée d’une autonomie très relative. Ici, en considérant les divinités quelles qu’elles soient comme des égrégores, on en fait certes des entités bel et bien créées par l’esprit humain, mais investies malgré tout d’une puissance tout à fait particulière dans la mesure ou aucun autre égrégore ne peut bénéficier de la puissance de la foi de millions de fidèles.

L’ambiguïté est donc posée, et c’est précisément là que cette théorie permet de faire la jonction entre les conceptions religieuses ou athées traditionnelles : oui les dieux on été créées par l’homme, mais dans le même temps, ils se retrouvent doués d’une existence, d’une puissance et d’une autonomie propres, tant leurs créateurs sont nombreux. Ces entités, ces égrégores que l’on appelle des dieux, ne sont donc des égrégores que dans leur genèse, c’est-à-dire dans le fait qu’ils puisent la source de leur existence dans l’esprit humain, mais leur puissance, proportionnelle au nombre de leurs fidèles est devenue telle, qu’ils ne partagent précisément avec les égrégores classiques que cette genèse, leur autonomie étant devenue totale, et leur puissance d’action infiniment plus importante que ce que l’on a coutume de voir chez un égrégore.

IV/ Conclusion :

Afin de résumer un peu les choses, je pourrai dire que cet article a essentiellement pour but de tenter de s’extraire de la dichotomie constante opposant athées et religieux, et consistant à considérer que les dieux de toutes sortes ont été créés par l’homme et sont donc totalement fictifs, ou qu’ils sont omnipotents et donc à l’origine de tout.

Je crois avoir montré que l’on peut, en sortant de ce conflit, considérer les divinités comme étant à la fois créées par l’homme et pour autant douées du même coup d’une existence, d’un autonomie et d’une puissance propre, et qu’au final les deux propositions ne sont pas incompatibles.

Cette thèse, j’en ai conscience, est complètement personnelle et pour le moins subversive, mais en plus de faire grincer pas mal de mâchoires, elle aura peut-être le mérite d’ôter un sacré mal de crâne à certains lecteurs qui ne se retrouvent dans aucune des positions radicales énoncées ci-dessus. Rien que pour ça, ça valait le coup de soulever un peu de vase non ?

Auteur : Shaël

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